Reportage de "L'Eveil de la Haute-Loire" chez l'auteur

Publié le par Philippe Suc

 

Vache folle, fièvre aphteuse: et si l'on remettait les pendules à l'heure?

Jean Coulardeau en appelle au principe de la biodiversité

 

« La volonté éradicatrice, la recherche du zéro défaut » ont conduit à la situation désastreuse que connaît le monde agricole aujourd’hui : c’est l’idée que défend depuis longtemps Jean Coulardeau, un agriculteur des Vastres, fondateur de la Coordination nationale contre l’éradication du varron, laquelle Coordination a eu à maintes reprises l’occasion de mettre en avant le principe de la biodiversité, y compris devant la justice. Jean Coulardeau a notamment établi une corrélation entre varrons et prions. Une thèse qu’il n’est plus désormais le seul à développer en Europe.

             D’aucuns seraient peut-être tentés de le faire passer pour un « gourou », mais attention de ne pas aller trop vite pour entériner une condamnation qui n’a pas lieu d’être : à « La Ribe », commune des Vastres, il n’a jamais existé l’ombre d’une secte, d’ailleurs cela se saurait. Non, dans ce paysage à la beauté sauvage, dominant la rivière« La Rimande » (passé le gué on est en Ardèche), nous n’avons trouvé qu’un homme tombé amoureux de cette région, voici maintenant quelques années, un mathématicien soixante-huitard, Bordelais d’origine, qui a choisi de vivre avec sa famille de la terre et de l’élevage.

            Et quelle terre ! Ici, à flanc de colline, seules les chèvres peuvent de toute évidence se mouvoir sans difficulté. Dans de telles conditions, la mécanisation semble pour le moins hasardeuse. D’ailleurs le maître des lieux, Jean Coulardeau y a depuis longtemps renoncé au profit de la traction animale.

   

         Veaux, vaches, chevaux, moutons, poulets, chèvres (du Rove : une race très ancienne et devenue rare) font bon ménage sur cette exploitation, on a envie de dire cette « Arche de Noé », tant on constate une grande diversité des espèces élevées par Jean Coulardeau et maintenant Olivier, son fils de 24 ans.

 

 « Une société où l’on ne pense qu’éradiquer »

            Celui-ci vient, officiellement depuis quelques jours, de reprendre les rennes de la ferme. Il ne serait pas étonnant qu’Olivier, possédant un BTS d’aquaculture, se lance par la suite dans l’élevage des poissons. Le cheptel s’est même enrichi depuis peu d’un lama que nous n’avons pas vu, Se trouvant sans doute quelque part dans la montagne au moment de notre visite.

            Toutes ces bêtes sont élevées pour la viande, laquelle est commercialisée en vente directe.

            Avant de s’installer aux Vastres avec son épouse, Jean Coulardeau enseigna l’économie à la faculté de Nantes, puis un an durant au Collège Cévenol.

            Cet intellectuel paysan participa à plusieurs mouvements de pensée et associations : « Survivre et vivre » par exemple réunissant des chercheurs de haut niveau et s’attachant notamment à contester l’existence de crédits militaires dans la recherche. Plus connu, le syndicat : la Confédération paysanne ou encore la Coordination contre l’éradication du varron (pour une agriculture responsable) dont Jean Coulardeau est l’un des fondateurs.

            A plusieurs reprises, nous avons évoqué le combat mené par ceux  qui refusent la « prophylaxie du varron » et qui se sont organisés en association à partir de mars 1997, partant de l’idée que l’éradication d'un être vivant est une mauvaise chose. « Nous vivons dans une société où l’on ne pense qu’à éradiquer, constate Jean Coulardeau, or, force est de constater que la nature a horreur du vide et les “niches” abandonnées par un être vivant, quel qu’il soit, sont très vite occupées par un autre ».

 LE PRINCIPE DE LA BIODIVERSITE

           Jean Coulardeau et plusieurs chercheurs, en France, on pense à Michel Bounias, biomathématicien et toxicologue, comme d’autres à l’étranger, c’est la cas de Mark Purdey en Angleterre, s’appuient sur le principe de la biodiversité pour affirmer que l’éradication du parasite bovin, le varron, laisse le champ libre aux prions qui provoquent la maladie dite de « la vache folle ».

            Jean Coulardeau a bâti ces derniers mois toute une réflexion très poussée sur le sujet réflexion qui du reste a fait l’objet de conférences et publications dans des revues spécialisées. L’auteur nous en livre les grandes lignes: « La Coordination a fait ressortir une corrélation entre le traitement pour l’éradication du varron et l’apparition de la maladie. Au 5 décembre 2000, sur 41 départements qui avaient eu la vache folle, 39 l’avaient eu après le traitement du varron. Parmi les deux qui l’ont eue avant, il y a le Puy-de-Dôme dont on connaît l’origine du bovin et la Manche. »

 

 

            Et Jean Coulardeau de citer le chercheur Joël Sternheimer qui prétend que là où il y a du varron, il n’y a pas de prion : « Il semble bien que le varron soit le prédateur du prion et que son élimination ait laissé les bovins sans défense. L’éradication illégale (elle serait, selon notre interlocuteur, contraire à l’article L-200-1 du Code rural qui impose de protéger la biodiversité) a fait sauter le verrou qui nous protégeait de la vache folle ».

            Jean Coulardeau n’est pas le seul en Europe a s’être penché sur la question. Il fait d’ailleurs référence à Mark Purdey, agriculteur et chercheur anglais qui met en cause quant à lui le produit utilisé en Angleterre pour éradiquer le varron.

 FIEVRE APHTEUSE: TIRER PARTI DE LA MALADIE

            L’intellectuel paysan poursuit : « La coïncidence statistique que nous avons faite apparaître correspond à celle établie par Purdey en Grande-Bretagne. Nous avons la certitude que les autorités le savent depuis le 1er semestre 2000 ».

            Il est un autre sujet brûlant, celui de la fièvre aphteuse sur lequel Jean Coulardeau n’est pas à court d’idées. Il est vrai que l’agriculteur de « La Ribe » a été en quelque sorte rattrapé par l’actualité : on se souvient en effet il y a 15 ans, qu’il gagnait un procès contre l’Etat pour refus de vaccination anti-aphteuse. « Preuve que le dogme vaccinal pouvait s’ébranler » lance goguenard Jean Coulardeau.

            A côté des voix discordantes qui s’élèvent de toute part, ce dernier cherche à calmer le jeu et propose une solution intermédiaire entre le tout vaccinal et l’abattage massif : «Soigner ou abattre éventuellement les animaux qui développent la maladie, et sélectionner les souches résistantes en laissant libre de vacciner ceux qui le désirent. Que ce soit dans les épidémies ou les épizooties, il y a toujours des individus qui n’ont rien. Ils permettent aux espèces de ne pas disparaître. Cette attitude ferait exister des sujets solides et rustiques. La maladie apparaîtrait régulièrement, éliminant ou simplement signalant les faibles et les mauvaises conduites d’élevage. Nous vivrions et élèverions dans le respect des équilibres, nous accepterions humblement notre place de berger de la nature ».

                                                                                Philippe SUC

 Publié dans l'Eveil de la Haute-Loire du 12 avril 2001

 Post Scriptum :

Le numéro de mars 2007 du gratuit Bio-contact publie (p. 38 et suiv.), sous la plume de Pierre Paillard, une bonne analyse du combat que nous avons mené contre l'éradication du varron. Cet article peut être consulté sur le site. Inutile donc de le reproduire ici.

 

 

 

De plus, ce même journal nous apprend le décès de Mark Purdey, le seul agriculteur anglais à s'être opposé à l'éradication du varron. C'est la troisième disparition parmi nos "scientifiques". Michel Bounias nous a quittés quelques mois après sa retraite. Il était le seul universitaire à s'être engagé complètement à nos côtés. Puis ce fut le tour de Jany Vimond, le seul vétérinaire à avoir dénoncé le principe d'éradication et à nous avoir soutenus.

Tout cela nous rend tristes et nous donne le sentiment de devenir de plus en plus orphelins.

Nous n'en continuerons pas moins à dénoncer l'arrêt du Conseil d'Etat qui donne au ministre de l'agriculture le droit de passer outre les lois qui le dérangent, même si nous sommes de moins en moins nombreux. Un moment ou l'autre nous finirons bien par arriver en plus grand nombre au port.

Justement, Fabrice Nicolino et François Veillerette viennent d'écrire un livre :

"Pesticides. Révélations sur un scandale français", 2007 Fayard, (p. 296-297) la causalité que nous avons dénoncée entre l'éradication du varron et la Vache-Folle est reprise et valorisée par une interview de Michel Bounias.    Jean C.

 

 

Publié dans Articles récents

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article